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RETOUR D'ISLANDE. Matières et créations

Dernière mise à jour : 12 sept. 2021

Terre de glace et de feu, la terre islandaise a depuis toujours exercé un certain attrait sur les écrivains, que ce soit Jules Verne qui s’en inspira pour Voyage au centre de la terre ou Pierre Loti qui y planta le décor de Pêcheur d’Islande. Les peintres du continent furent pour leur part beaucoup moins nombreux à se rendre en Islande. Pourtant ! Quel endroit plus sauvage, plus désert, plus proche des origines, que la terre islandaise ?

Bernard Alligand, après avoir exploré bien d’autres contrées, que celles-ci, soient asiatiques (Cambodge, Laos, Vietnam) ou méditerranéennes (Égypte et Maroc où il séjourna à plusieurs reprises dans le cadre de résidences d’artiste), découvre voici une quinzaine d’années l’Islande, un État insulaire de l’Atlantique Nord, situé entre le Groenland et la Norvège, sur la dorsale médio-atlantique séparant les plaques tectoniques eurasienne et nord-américaine, terre de volcans, de geysers, de fjords et de glaciers.

Depuis sa visite aux grottes de Lascaux dans les années 80 qui fut un réel « choc » artistique, Bernard Alligand s’efforce de fixer la mémoire des pays qu’il traverse et des sols qu’il foule. Aussi, où qu’il soit, ne manque-t-il pas de prélever, minutieusement et avec discernement, tant en surface qu’en profondeur, un peu de cette terre et des multiples matières qui la composent, pour la réintégrer dans ses œuvres, la faisant revivre et exister dans une autre dimension, celle de la toile ou du papier. Mettre en lumière la matière, dans ses moindres anfractuosités et détours, la sublimant en quelque sorte, telle est la voie que l’artiste s’est tracée depuis une trentaine d’années.

Son œuvre, d’une étonnante unité, n’a toutefois cessé d’évoluer et de se renouveler, de s’approfondir, depuis le début de sa carrière au début des années 80. Ni figuratif ni abstrait, transcendant les frontières de la création, Bernard Alligand est à la recherche de sa propre expression avec la volonté farouche de trouver un équilibre entre formes et textures. Employant très tôt les techniques mixtes dans ses compositions, il puise son inspiration dans les lieux qu’il traverse ou plutôt qu’il fouille avec patience et ténacité, tel un archéologue. Ses « récoltes », comme il les nomme, de minéraux et de végétaux, nourrissent ses œuvres, et par une étrange alchimie, renaissent sur la toile dans un nouvel espace, où la matière est en quelque sorte transcendée par la main de l’artiste.

La terre islandaise a en l’occurrence fourni à Bernard Alligand maintes ressources depuis ces dix dernières années : paysages contrastés, habitat coloré aux toits ondulés, sables volcaniques noirs et nacrés, blocs de lave, boues sulfuriques, cailloux, végétaux... sont autant de « matériaux » qui l’inspirent et dont il se sert tant sur le plan esthétique que matériel. " Autrefois, lors de mes périodes égyptienne et marocaine, j’étais davantage un coloriste... en Islande, mon rapport à la couleur a radicalement évolué. Je n'utilisais pratiquement jamais le noir auparavant, alors que maintenant c'est pour ainsi dire la seule couleur que j'emploie avec le blanc et de temps à autre le rouge " nous confie Bernard Alligand qui aime se laisser imprégner par son environnement. Noir, blanc, rouge, sont en effet les teintes dominantes de ce pays volcanique aux confins du grand Nord qui ne se laisse pas apprivoiser si facilement. " Le climat y est rude, le feu couve en permanence sous la glace, les éruptions y sont fréquentes tout autant que les séismes " poursuit l'artiste épris de cette nature à la fois hostile et captivante qui contraint l'homme à l'humilité et à la vigilance. En totale alliance avec ces espaces à perte de vue, quasi cosmiques, dominés par les quatre éléments, les oeuvres qui en résultent sont parcourues de planètes, d'astéroïdes, de masses informes, de glaces et de lumières ondulantes. L'élément liquide est également présent à travers la résine qui miroite à la surface de la toile telle un ruisseau se dévoilant au hasard de la marche. aux antipodes des oeuvres éphémères de certains artistes, les créations de Bernard Alligand s'inscrivent dans la durée et l'intemporalité : si le sujet, la nature en l'occurrence, est vouée à une évolution, une métamorphose contante, le rôle que s'est assigné l'artiste est d'en saisir le mouvement sans pour autant le figer, de laisser livre cours à la matière, sans en arrêter la progression. En effervescence continue, les compositions de Bernard Alligand, fragments d’une nature aride et violente que l’artiste s’emploie à réassembler et à faire revivre, sont parcourues d’une énergie latente perceptible au premier regard.

En perpétuel renouvellement, les aquagravures de Bernard Alligand qui sont dans le prolongement de ses peintures, en constituent un complément harmonieux et cohérent, quoique les tensions y soient moins exacerbées et les compositions plus structurées. La technique de la gravure en taille-douce impose sans doute cette atmosphère à la fois sereine et disciplinée. De même, le support papier, matière vivante que l’artiste s’efforce de respecter, tant pour sa souplesse que pour sa délicatesse, l’incite à une certaine mesure, à une approche différente. Espace-paysage, la feuille de papier, blanche par nature, se prête aux différentes techniques utilisées par l’artiste : il n’hésite pas ainsi à la mouler (sur une résine), à la gaufrer, à la strier, à la rehausser de matières, à juxtaposer le blanc du papier au noir de l’encre pour évoquer la glace et la lave islandaises. « Ce ne sont pas pour autant des aplats mais des contrastes que je recherche, jusqu’à faire pénétrer la lumière dans les plis du papier strié » précise-t-il. Tel un sculpteur, l’artiste modèle son œuvre graphique avec le souci de restituer les aspérités du terrain, la rugosité de la matière, la douceur de la lumière.

L’écriture, omniprésente dans l’œuvre de Bernard Alligand depuis 1992, année de son tout premier livre, traverse également certaines de ses œuvres plastiques et graphiques (intégration de partitions musicales et de fragments de textes manuscrits dans certaines œuvres antérieures). Aujourd’hui, celle-ci a trouvé refuge dans les livres d’artiste qu’il réalise avec soin en collaboration étroite avec des écrivains de tous horizons : sont ainsi présentés dans l’exposition des ouvrages de l’écrivain islandais Sigurður Pálsson et de Michel Butor. Tantôt manuscrits, tantôt imprimés en typographie sur les presses de l’atelier du Livre d’art de l’Imprimerie nationale, chaque exemplaire d’une édition est unique, l’artiste l’enrichissant de compositions originales. Dialogue incessant entre mots, formes, couleurs et matières, ces ouvrages relèvent de la constellation d’une œuvre en devenir, qui s’affirme et se déploie au fil du temps et des espaces traversés.


Rédacteur : Pascal FULACHER

 

I N V I T A T I O N


Jean LEONETTI

Président de la Communauté d'Agglomération Sophia Antipolis, Maire d'Antibes - Juan-les-Pins


Michel ROSSI

Vice-Président de la Communauté d'agglomération Sophia Antipolis, délégué à l'Action Culturelle, Conseiller Départemental et Maire de Roquefort-les-Pins


ont le plaisir de vous inviter à l'inauguration de l'exposition Retour d'Islande

Le vendredi 17 septembre à 17h30


Hall d'exposition de la Médiathèque Albert Camus 19 bis, Boulevard Chancel 06600 ANTIBES - JUAN-LES-PINS


EXPOSITION RETOUR D'ISLANDE du 20 juillet au 16 octobre 2021

 

Pascal Fulacher, né en1959, est un journaliste et un spécialiste français du livre. Il est l’auteur de nombreux articles et ouvrages sur l'histoire du livre, du papier et de la reliure de création. Diplômé du CELSA (1984) et docteur en « Art et sciences de l'art » de l'Université Panthéon-Sorbonne (thèse sur L'Esthétique du livre de création au XXe siècle : du papier à la reliure, 2004), il commence sa carrière en tant que journaliste spécialisé, puis devient rédacteur en chef à la revue Art & Métiers du livre.

En 2004, il entre au Musée des lettres et manuscrits à Paris, pour en diriger les principales expositions. En 2007, il est nommé rédacteur en chef de Plume, le magazine du patrimoine écrit, lancé en 1993. À côté de son activité journalistique, Pascal Fulacher enseigne l’histoire du livre, l’histoire et les techniques de la fabrication du papier, l’histoire de la reliure de création, les techniques éditoriales. Il donne de nombreuses conférences à travers le monde sur les livres anciens, les livres de peintres, les livres d’artistes, la bibliophilie, le papier, la reliure… Depuis 2016, il est directeur de l'Atelier du livre d'art et de l'estampe de l'Imprimerie nationale qui est installée dans l'usine de Flers-en-Escrebieux, près de Douai.

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