MAROC
SUITE A SA QUETE EGYPTIENNE, BERNARD ALLIGAND PORTE SES RECHERCHES SUR LES METIERS ARTISANAUX LIES A L'EMPLOI DES COULEURS, AUX TEXTURES...
Le réinvestissement dans son oeuvre de ses découvertes, sera considérable. Gabarits, modèles géométriques utilisés dans la décoration des carreaux et des faïences confèrent à ses oeuvres un caractère abstrait, il n'en sera pas de même pour les vases et flacons. Sa fascination pour ces objets - contenant-contenu - l'incitera à introduire des formes figuratives dans ses compositions abstraites ce qui constituera un nouveau changement dans son vocabulaire pictural.
Extrait du catalogue Rétrospective à Angers 2012
EMPREINTES MAROCAINES
F. 60 x 60 cm. Réf. 1344
F. 73 x 54 cm. Réf. 1472
F. 40 x 40 cm. Réf. 1395
F. 60 x 60 cm. Réf. 1344
Technique mixte
Sable résiné, découpes de toile marouflées sur toile, acrylique, papier japon, pochoir à partir de gabarits artisanaux, imprimés, manuscrits
LES EMPREINTES MAROCAINES SE SITUENT DANS LA MÊME LIGNEE QUE LES IMPRESSIONS D’EGYPTE, puisqu’elles sont issues, comme elles, de séjours répétés en résidence d’artiste de 2000 à 2002, que Bernard Alligand effectua au Maroc. Mais la comparaison entre les deux s’arrête là, quoique son questionnement n’ait pas changé depuis son voyage au Japon d’où il rapporta des papiers et des toiles de saké pour les inclure dans ses tableaux, à savoir :
Qu’est-ce qu’un artiste contemporain peut faire avec les matériaux traditionnels
utilisés par d’autres civilisations que la nôtre ?
Comme sa récolte dans le désert marocain restait dans la même veine que sa quête égyptienne, et dans le même registre coloré. Bernard Alligand décida, dans « sa descente aux entrailles de la civilisation », de porter plutôt son attention sur les métiers artisanaux liés à l’emploi des couleurs, aux texture (...)
Depuis 1994, Bernard Alligand avait régulièrement réalisé des céramiques. Mais c’est surtout en 2003 qu’il leur consacra une part importante de son activité créatrice, au point de qualifier lui-même cette année : l’année des céramiques. C’est dire combien, pour lui, cette activité a compté. Durant cette décennie (1994-2003), ses céramiques avaient suivi un chemin parallèle à sa peinture pour la bonne raison qu’il transposait en partie celle-ci sur des volumes variés : vases, jarres, plats, sans que la technique utilisée pour les céramiques n’interférât avec son œuvre peint. (...)
Il n’est peut-être pas inutile de rappeler que ce qui avait surtout frappé Bernard Alligand dès son arrivée au Maroc, outre les arabesques décorant les maisons, les étoffes, les tapis, la vaisselle, c’était la profusion des vases et des flacons qui montrent tout le raffinement de cette civilisation. Ce que justement ce tableau Nature révélée a voulu d’emblée prendre en compte, en établissant spontanément un lien entre des silhouettes d’allure féminine en voie de disparition dans ses tableaux et des objets faisant ici leur entrée en peinture. On voit bien, en regardant ce tableau, qu’il y a superposition, prélude à une complète substitution car ces flacons sont animés. Ils ont une posture humaine. Ce qui prouve que le processus de solidification qui leur donnerait leur statut définitif d’objets n’est néanmoins pas encore achevé. Ces flacons encore personnifiés laissent déjà supposer cependant toute la sensualité de leurs formes futures. En remplaçant les silhouettes par la linéarité et par la volumétrie des flacons, il n’y a rien là de surprenant. Simple passage de témoin. On fait varier le thème en changeant de lexique, mais nous restons toujours dans le même discours pictural :
une construction abstraite, rythmée par des lignes,
scandée par la couleur et animée par des envolées de matières
avec, de temps à autre, ici ou là, une œuvre Sources rêveuses mettant en présence une silhouette féminine et un vase, comme si, pour Bernard Alligand, il était nécessaire de rappeler, au cas où on l’aurait oublié, l’analogie entre ces deux formes, désormais aussi voluptueuses l’une que l’autre. Formes à travers lesquelles Bernard Alligand semble avoir retrouvé le plaisir physique qu’il avait éprouvé à pétrir la glaise lorsqu’il suivait les cours de modelage, en 1981-1982, à l’Ecole des Beaux-Arts d’Angers. (...)
Bernard Alligand développera largement ce thème des vases et des flacons où l’espace entourant ces objets semble soudain en proie à un vertige cosmique.
Extrait du catalogue Rétrospective 2012. Texte de Jean-Pierre Geay.